Du principe de précaution au principe de protection : Réinventer la gestion des risques environnementaux
- Gaia First
- 15 janv.
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Dernière mise à jour : 27 janv.
Les principes de prévention et de précaution sont deux concepts fondamentaux en droit de l’environnement. Bien qu'ils présentent des nuances distinctes, ces deux notions s'inscrivent dans une stratégie de développement durable qui doit être prise en compte par les gouvernements et les administrations publiques lors de l'élaboration de lois et de décisions juridiques pour protéger l’environnement.

Le principe de prévention a été mis en application à la suite de la Déclaration de Rio de 1992. Depuis plus de 30 ans, il est reconnu qu'il est nécessaire d'agir pour protéger l'environnement en appliquant ce principe, qui vise à éviter un risque scientifiquement certain.
Le principe de prévention consiste à prendre les mesures nécessaires pour empêcher la survenance d’un dommage certain si aucune action n'est entreprise pour le prévenir. Le risque de dommage doit être à la fois prévisible, certain, et fondé sur un consensus scientifique accompagné de preuves solides et convaincantes.
Parallèlement, un autre principe est apparu en réponse à la prise de conscience croissante des risques environnementaux et sanitaires, souvent graves, mais incertains, liés à certaines technologies ou pratiques humaines. Ce principe est celui de la précaution : agir pour prévenir une conséquence potentielle. Contrairement au principe de prévention, qui repose sur une preuve scientifique établie, le principe de précaution s'applique dans des situations d'incertitude scientifique. Il affirme que, face à l'incertitude, l'absence de certitudes ne doit pas justifier l'inaction. En d’autres termes, lorsque des connaissances techniques, scientifiques ou économiques font défaut, des mesures doivent être prises pour gérer les risques et prévenir des dommages potentiels sur l’environnement et la santé.
Les États ont adopté des lois régissant les activités humaines en s'appuyant sur ces principes, notamment en imposant des études d'impact environnemental pour évaluer les effets d'un projet, en rendant nécessaire l'obtention d'autorisations, en établissant des seuils d'émission de contaminants et en interdisant certaines pratiques. Toutefois, malgré leur présence dans les législations à tous les niveaux (international, européen et national), leur application reste insuffisante. Même si ces principes sont intégrés dans la Constitution de certains pays, leur mise en œuvre peut se heurter à des tensions entre la nécessité de protéger la population et les risques d'exagération des mesures préventives et précautionneuses, qui peuvent entraîner des coûts économiques élevés ou des restrictions jugées inutiles.
De plus, le principe de précaution est parfois critiqué pour son caractère flou, ce qui conduit à des interprétations divergentes. Par ailleurs, la mise en œuvre de ce principe peut rencontrer des obstacles pratiques, tels que le manque de données scientifiques fiables ou l'incertitude concernant les conséquences des actions préventives. Un autre problème rencontré est la "paralysie décisionnelle", où la crainte des conséquences incertaines empêche toute action, ce qui rend le principe de précaution moins efficace dans certaines situations.
Face à ces défis, l'initiative "Let’s Be Nice to the Ocean", lancée par le groupe Varga à la demande du gouvernement français et du Costa Rica (co-présidents de la Conférence sur l’Océan des Nations Unies en juin 2025), a introduit un nouveau principe : le principe de PROTECTION. Dans le cadre de la United Nations Ocean Conference, l’initiative remet en question l'efficacité des principes de prévention et de précaution pour la protection des océans, tout en soulignant leurs limites, notamment en matière de responsabilité des industries. Bien que le principe de précaution ait été intégré dans de nombreux accords internationaux et législations nationales, sa mise en œuvre reste incohérente, notamment lorsqu'il s'agit de tenir les industries responsables des dommages environnementaux.

Le principe de protection vise à combler cette lacune en renforçant la protection de l’environnement. Ancré dans le rapport de la commission Brundtland de 1987, Notre avenir à tous, qui a posé les bases du développement durable, le principe de protection constitue aujourd’hui un tournant nécessaire pour assurer une véritable gestion des risques environnementaux. Il stipule que "toutes les industries extractives, qu'elles soient menées par des États ou des entreprises, dont les activités sont susceptibles de nuire à l'océan, doivent démontrer que leurs opérations et leurs plans sont sans danger pour l'environnement et que leur empreinte est négligeable, réversible ou acceptable avant de commencer. Lorsque des dommages ont déjà été causés, les mesures d'atténuation ou de restauration identifiées par les autorités publiques seront prises en charge par les entités responsables."
De manière concise, ce principe fait de la protection de l’environnement une norme, plutôt qu’une exception. La mise en œuvre de ce concept nécessite un changement de paradigme, où la charge de la preuve incombe non pas à ceux qui cherchent à protéger l’environnement, mais à ceux qui souhaitent mener des activités potentiellement nuisibles. Ce changement de perspective pourrait constituer la base de nouvelles politiques environnementales mondiales.
En regardant l’histoire de la protection de l’environnement, on peut dire que l'adoption du principe de précaution dans la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement a été un élément clé du succès durable du Sommet de la Terre de 1992. Les conventions-cadres des Nations Unies sur le changement climatique, la diversité biologique et la désertification ont ainsi posé les bases du droit et des politiques environnementales modernes.

Aujourd'hui, nous avons à nouveau l'opportunité de créer un tournant majeur dans la protection de l'environnement. C’est le moment de changer de paradigme et de faire de la protection de l’environnement la norme. Rejoignons la Coalition Océan et œuvrons ensemble pour un avenir où l'océan, qui nous rend tant de services, soit traité avec le respect qu’il mérite.
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